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La séparation, vue du point de vue du tout-petit

Corinne Dreyfuss est de retour dans les librairies, les médiathèques, et la BBthèque bien sûr, avec un nouveau tout-cartonné format portrait pour les bébés publié aux éditions Thierry Magnier :

Je t’attends

de Corinne Dreyfuss

Dans ce livre pensé à hauteur de tout-petit, deux récits s’alternent pour décrire la même scène à travers deux points de vue différents. Point de vue numéro 1 : une ou un observateur de la scène « Tiens, regarde, c’est Léopold »… Point de vue numéro 2 : celui du très jeune héros de l’histoire, l’on peut supposer qu’il s’agit de Léopold, il est souriant quand il voit sa maman partir un instant et lui dit, confiant, « Je t’attends ». Mais le temps peut s’éterniser vite, si vite, pour un tout-petit, et l’attente aussi : tic tac, les pages comptent les secondes d’absence maternelle, 1, 2… Léopold perd son sourire, s’inquiète de voir autant de monde autour de lui, 3, le voilà triste maintenant, inquiet, 4 il veut bouger pour la retrouver au moins du regard, mais elle lui a dit de ne pas bouger, 5 il va pleurer cet enfant… il se demande si elle est perdue, s’il la retrouvera… un jour ? il répond qu’il attend sa maman à un passant qui s’inquiète pour lui, il attend, il pleure à chaudes larmes, à bout de souffle… ! Ouf, elle revient, enfin, et le sourire revient aussi sur le visage du tout-petit, à nouveau ravi : ‘Maman » !!! « Ca va Léopold ? Ce n’était pas trop long ? » « Non, non, j’ai compté jusqu’à 10 et tu étais déjà là ». Parallèlement à la palette d’émotions vécue par le très jeune Léopold dans ce bref mais intense moment de séparation, les lecteurs suivent le point de vue de l’observatrice, l’observateur (avatars des lecteurs ?), qui s’interroge sur la situation : qu’est-ce qu’il fait Léopold ? mais il est seul ? où est sa maman ? il a l’air de chercher quelqu’un ?… Peu à peu, les points de vue numéro 2 et numéro 1 se rejoignent par la force de l’empathie.

Cet album, à l’esthétique résolument noire, où par contraste les seules et symboliques couleurs sont, au début et à la fin, la robe rouge de la mère, et tout du long, le visage rose, les cheveux gris-bleu et le pull jaune de l’enfant héros de l’histoire, avec un focus sur son visage si expressif et sa bouche rouge aux formes évolutives au gré de ses émois ; cet album, donc, met en scène avec brio un volet de la psychologie de la petite enfance : la problématique de la séparation et des retrouvailles. Cette thématique fondatrice et fondamentale du développement de l’enfant est ainsi traitée du point de vue, subjectif et universel à la fois, du tout-petit, sur les plans de la sensation et de l’émotion qui sont les siennes et qui sont rendues palpables, pour les non moins jeunes lecteurs de ce livre, par une approche narrative empruntant au genre du thriller : un sujet de peur, d’angoisse, des effets de suspenses, un décompte dramatique, une voix interne croisant une voix externe mettent en scène l’intensité de ce moment où, tout petit, l’on peut être seul pour la première fois ; avec toutefois une bienveillance, exprimée par la maman, qui en réalité n’était absente ni loin ni longtemps, et par l’attention constante dont fait l’objet ce très jeune enfant (un passant s’enquérant auprès de lui en le trouvant seul ; une connaissance observant ses faits et gestes, craignant pour lui que l’absence s’éternise, vraisemblablement prompt à intervenir en cas de besoin). Bienvenue dans l’ascenseur émotionnel de la séparation !

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Bruit des nombres & couleur des mots

La BBthèque vous propose aujourd’hui deux livres colorés, tout en rondeurs pour conter/compter le monde et en nommer les couleurs :

Le Bruit des nombres

Mon premier, petit frère du Bruit des lettres de Jeanne Boyer et Julien Billaudeau itou également (et dont vous trouverez la chronique ici) constitue à la fois une première histoire et un premier documentaire, avec un volet musical : ce livre sonore, positif, doux, propose aux jeunes lecteurs, au sortir de la toute petite enfance, une bal(l)ade, un parcours visuel et audio dans l’environnement de l’école maternelle. C’est une visite qui nous est contée… comptée, sous la forme d’un inventaire des lieux, objets, êtres vivants présents dans ce nouvel environnement collectif au sein duquel évoluent les enfants :

« Dans mon école, il y a

1 grand couloir et derrière moi, 1 main qui me dit au revoir ;

2 vestes accrochées aux porte-manteaux. Elles sont à qui déjà ?

3 petits bancs pour être ensemble »

Et ce jusqu’au nombre 30 s’il-vous-plaît ! 30, c’est le nombre de copains, dans mon école, avec qui « on rigole bien » !

Une approche intelligente et enthousiasmante des mathématiques, compris dans une dynamique d’apprentissage ludique du vivre-ensemble.

Couleurs

Mon second aussi, dont les héroïnes sont des souris, dessinées par Leo Lionni, a une fratrie ! Vous souvenez-vous ainsi de la présentation, par nos amies les souris, des Chiffres et des Lettres ? Bonne nouvelle, ces petites bêtes grises, joueuses et futées sont de retour, dans un nouveau tout-cartonné, pour présenter aux tout-petits toute une palette de couleurs.

Chaque double-page présente ainsi une couleur : sur la page de gauche, le mot désignant la couleur, sur un fond à la couleur du mot (par exemple, le mot ROUGE, sur fond de couleur rouge) ; sur la page de droite, une à plusieurs souris évoluent dans un environnement comportant cette couleur, tant dans des objets du quotidien que dans la nature (l’on peut s’amuser à repérer : un ballon rouge, une coccinelle rouge, des fleurs rouges parmi lesquelles des coquelicots)

ROUGE, BLEU, JAUNE, VERT, ROSE, NOIR, VIOLET, GRIS, BLANC, MARRON, ORANGE : après l’inventaire de chaque couleur, les souris constatent, avec les bébés lecteurs, que nous évoluons dans un environnement haut en couleurs, riche de couleurs nombreuses et variées. Je dirais même plus : les jeunes enfants, à l’image des souris, sont invités à leur tour se saisir de cette palette de couleurs pour peindre le monde et plus encore !